19 juillet 2007

Conclusion du Chapitre I
"Internet comme objet politique"

"Politiques sous influence"
« Les réalisations de la science moderne ne sont pas pernicieuses en soi : c’est ce qu’on en fait qui en détermine la valeur » Mac Luhan

La mythologie du Web est intégrée aux systèmes de pensée occidentaux : la fin de l’ère industrielle instaure l’économie de la connaissance au cœur des enjeux politiques, de l’Europe notamment, la globalisation des échanges sollicite les utopies de paix et de démocratisation comme des valeurs mondiales universelles…Le village global n’est plus seulement une image mais il est fortement impulsé dans les centres décisionnels politique mondiaux.

Pourtant, à l’analyse, le mythe d’Internet ne tient pas. Il semble que le Web n'ait pas fondamentalement bousculé les intentions de votes lors de la dernière élection présidentielle[1].
Les modèles de participation sur les fora ne proposent pas une alternative à la discussion, aux modalités représentatives, car seuls 1% des internautes – qui représentent eux même 50% de la population française - sont dans une démarche pro-active. De plus, la citoyenneté ne trouve pas dans Internet, ou pas encore, de moteur suffisant pour penser que le Web est un outil de revitalisation démocratique : « Que l'on soit jeune ou âgé, diplômé ou non, ce qui amène à un usage politique du Web est avant tout le fait d'être intéressé par les affaires publiques et Internet ne crée pas de vocation politique en soi. Il favorise éventuellement l’éclosion de tempéraments politiques qui auraient à priori trouvé une réponse ailleurs ou n’est qu’un prolongement de la participation politique de terrain[2] ». D’ailleurs, d’après Marie-Gabrielle Suraud, « Le net a, non pas favorisé l’ouverture de l’espace de discussion et constitué un véritable espace communicationnel, mais a été, pour un groupe de militants, un vecteur permettant de maintenir et conforter une position hégémonique »[3]. Internet est donc un outil utile à la démocratie, sans être indispensable à son fonctionnement. Il n’a pas plus d’impact qu’un autre média. En cela, Mac Luhan avait raison, « Medium is message ». Malgré le fait qu'il médiatise des messages autrefois confinés, l’utilisation du média conserve sa fonction de miroir de l’activité humaine, attachée à un territoire, une culture, des modalités politiques. Internet ne modifie pas profondément le rapport des hommes à la citoyenneté.

Cependant, Internet a cela de particulier qu’il intègre techniquement toutes les fonctionnalités d’un modèle démocratique nouveau. C’est pourquoi, se poser la question de comment Internet a modifié les modes de communication politique ne doit pas être seulement interprété selon l’axe de l’influence du Web sur les votes ou sur les citoyens, mais plutôt comment la puissance symbolique de la toile a influencé le politique, la politique, l’action politique. En effet, le Web est un espace ouvert. Dans un processus de convergence des médias, les messages dépassent le simple cadre du réseau. Il n’y a donc pas de discours spécifiques au Web d’un côté et des discours adaptés au « réel » de l’autre, mais un discours unique, répandant, pour ceux qui en ont fait le choix, les valeurs du mythe dans la sphère politique. La forme, c’est le fond qui remonte à la surface disait Victor Hugo. Les discours portant sur la cyberculture ne sont ainsi pas de simples exercices rhétoriques et de publicité. Ils sont de véritables projets politiques. Internet comme un nouveau projet de société. Là se situe la véritable victoire des internautes et du réseau. Le Web a généré une mythologie si puissante qu’il se présente désormais comme une alternative d'organisation de la démocratie : relance des engagements partisans, lutte contre l’abstention, participation citoyenne, capacités cognitives développées, recomposition du lien social… Et ce, jusqu’à l’émergence récente d’un parti reprenant le nom de la petite boite permettant les connexions : le MODEM, ou encore le concept de République 2 .0 de Ségolène Royale. Et si la septième étape d’évolution du réseau n’était autre que la réappropriation du Net par le politique ?


[1] in. Les internautes et la politique, TNS SOFRES, mars 2007
[2] ibid
[3] in. Le débat électronique : entre agir communicationnel et stratégie militante, Marie-Gabrielle Suraud, programme de recherche « concertation décision et environnement » du MEDD, 2003-2005.

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