CONCLUSION
« Ambivalence et Néthique »
Internet est à la fois un outil technique, un médium et un objet politique. Dans le cadre de son utilisation électorale, il a une croissance par grands paliers, à chaque scrutin présidentiel et au regard des avancées technologiques du réseau. Le Web n’a pas encore atteint sa maturité. Chaque grand acteur : médias, société civile et personnel politique cherche encore ses marques sur un réseau ouvert.
D’un côté, la croissance de 443% de la blogosphère politique durant l’élection présidentielle montre combien l’usage du Web attise la curiosité éditoriale des citoyens, même si nous avons constaté que ces contributions étaient en majorité mimétiques ou peu créatives. Il est à penser que la structuration prochaine du Web s’organise autour de grands pôles, identifiés et professionnels, qui intégreront ces expressions cybercitoyennes. Ce que certains appellent la « prime au leader» permettra d’installer des espaces plus visibles et influents. Tout comme a pu le faire le journal coréen OhmyNews, ces Netleaders pourront jouer un rôle de défiance et de surveillance d’autant plus importants qu’ils intègreront des fonctionnalités d’indexation efficace pour ne faire remonter que les informations essentielles.
D’un autre côté, 2007 aura aussi marqué le début de la désintermédiatisation. Bien qu’aujourd’hui, les médias traditionnels conservent leur influence essentielle à la propagation des idées et leurs audiences, une nouvelle forme de relation aux journalistes semble s’instituer peu à peu dans un cycle de perte d’influence pédagogique de ces derniers au profit des communicants politiques. La petite révolution qui a consisté pour Hillary Clinton à annoncer sa candidature aux primaires démocrate américaine de 2008 par la voie de son portail électoral ou la capacité des politiques à créer leurs propres médias d’information, leurs WebTV, devraient, me semble-t-il, dans un processus de convergence des télécommunications, autoriser encore davantage la maîtrise de l’image par les équipes des candidats. Au-delà de la capacité du Web à mobiliser rapidement un grand nombre de soutiens et de dons, d’émettre des messages, l’opportunité des Netcampagnes se situe également et paradoxalement autour d’une nouvelle capacité de centralisation, aubaine pour les WEBDOCTORS, à défaut de l’être pour la démocratie. Si certaines activités du réseau s’apparentent à l’inscription d’une nouvelle forme d’échanges citoyens, qu’il permet l’accès à la plus grande bibliothèque du monde, il offrira aussi cette communication politique descendante et contrôlée.
La forme pluri-média du Net donne désormais accès à tout ce qui était jusqu’alors légalement interdit dans les pratiques de la communication politique. La structuration du réseau permet de passer outre la plupart des contrôles étatiques et législatifs, d’inscrire toutes les techniques des spin doctors aux campagnes électorales françaises : spots de publicité personnalisée ou comparative, attaques virulentes des adversaires reprises par la suite par l’ensemble des canaux médiatiques, « spinning » et retrait des journalistes qui ne seront plus les uniques acteurs de l’information (…). Cette volonté et ce besoin de contrôle des hommes politiques sur leur image, correspond aujourd’hui, par exemple, à la proposition de François de la Brosse, producteur de NSTV, de poursuivre son travail à la suite des élections sous la forme d’une gouvernementTV, ou encore à la retransmission hebdomadaire du compte rendu du conseil des ministres, communication officielle et maîtrisée de Laurent Wauquiez, porte parole du gouvernement sur la chaîne LCI. Ces nouvelles méthodes de communication contournent la médiation autrefois attachée au filtre journalistique.
Si les discours révolutionnaires du Web trouvent échos de part quelques grands exemples de réussites de la contre démocratie, de déstabilisation ponctuelle de certains privilèges, le phénomène marquant de la communication s’attache, me semble-t-il davantage à la perte d’influence du quatrième pouvoir qu’à l’émergence d’un cinquième. Les WEBDOCTORS devraient avoir de beaux jours.
« À première vue, nous sommes en effet confrontés à l’éternelle opposition entre les fins et les moyens, entre éthique et politique, entre morale et efficacité. Opposition que les jésuitismes de l’Ordre établi « résolvent » classiquement par de magnifiques énoncés paradoxaux : on a le droit de tuer au nom de la Vie - guerres, peine de mort - ; il faut parfois être injuste au nom de la Justice – machiavélismes - ; on doit risquer d’être inhumain au nom de l’Humanité - révolutions - ; il est permis d’opprimer au nom de la Liberté - pédagogies dogmatiques - ; il faut parfois recourir au mensonge pour servir la Vérité - recours aux mythes pour enseigner la Sagesse -, et ainsi de suite. Ces conciliations de l’inconciliable -et notamment l’usage de procédés trompeurs pour faire croire des choses vraies- me paraissent dès le départ indéfendables. D’où la nécessité d’une conscience extrêmement attentive aux méthodes dont on use. Une action dont les moyens et les fins sont contradictoires se hasarde toujours à être non seulement immorale, mais inefficace. »
« François Brune, de l'idéologie aujourd'hui, édition Parangon, 2004. »
D’un côté, la croissance de 443% de la blogosphère politique durant l’élection présidentielle montre combien l’usage du Web attise la curiosité éditoriale des citoyens, même si nous avons constaté que ces contributions étaient en majorité mimétiques ou peu créatives. Il est à penser que la structuration prochaine du Web s’organise autour de grands pôles, identifiés et professionnels, qui intégreront ces expressions cybercitoyennes. Ce que certains appellent la « prime au leader» permettra d’installer des espaces plus visibles et influents. Tout comme a pu le faire le journal coréen OhmyNews, ces Netleaders pourront jouer un rôle de défiance et de surveillance d’autant plus importants qu’ils intègreront des fonctionnalités d’indexation efficace pour ne faire remonter que les informations essentielles.
D’un autre côté, 2007 aura aussi marqué le début de la désintermédiatisation. Bien qu’aujourd’hui, les médias traditionnels conservent leur influence essentielle à la propagation des idées et leurs audiences, une nouvelle forme de relation aux journalistes semble s’instituer peu à peu dans un cycle de perte d’influence pédagogique de ces derniers au profit des communicants politiques. La petite révolution qui a consisté pour Hillary Clinton à annoncer sa candidature aux primaires démocrate américaine de 2008 par la voie de son portail électoral ou la capacité des politiques à créer leurs propres médias d’information, leurs WebTV, devraient, me semble-t-il, dans un processus de convergence des télécommunications, autoriser encore davantage la maîtrise de l’image par les équipes des candidats. Au-delà de la capacité du Web à mobiliser rapidement un grand nombre de soutiens et de dons, d’émettre des messages, l’opportunité des Netcampagnes se situe également et paradoxalement autour d’une nouvelle capacité de centralisation, aubaine pour les WEBDOCTORS, à défaut de l’être pour la démocratie. Si certaines activités du réseau s’apparentent à l’inscription d’une nouvelle forme d’échanges citoyens, qu’il permet l’accès à la plus grande bibliothèque du monde, il offrira aussi cette communication politique descendante et contrôlée.
La forme pluri-média du Net donne désormais accès à tout ce qui était jusqu’alors légalement interdit dans les pratiques de la communication politique. La structuration du réseau permet de passer outre la plupart des contrôles étatiques et législatifs, d’inscrire toutes les techniques des spin doctors aux campagnes électorales françaises : spots de publicité personnalisée ou comparative, attaques virulentes des adversaires reprises par la suite par l’ensemble des canaux médiatiques, « spinning » et retrait des journalistes qui ne seront plus les uniques acteurs de l’information (…). Cette volonté et ce besoin de contrôle des hommes politiques sur leur image, correspond aujourd’hui, par exemple, à la proposition de François de la Brosse, producteur de NSTV, de poursuivre son travail à la suite des élections sous la forme d’une gouvernementTV, ou encore à la retransmission hebdomadaire du compte rendu du conseil des ministres, communication officielle et maîtrisée de Laurent Wauquiez, porte parole du gouvernement sur la chaîne LCI. Ces nouvelles méthodes de communication contournent la médiation autrefois attachée au filtre journalistique.
Si les discours révolutionnaires du Web trouvent échos de part quelques grands exemples de réussites de la contre démocratie, de déstabilisation ponctuelle de certains privilèges, le phénomène marquant de la communication s’attache, me semble-t-il davantage à la perte d’influence du quatrième pouvoir qu’à l’émergence d’un cinquième. Les WEBDOCTORS devraient avoir de beaux jours.
« À première vue, nous sommes en effet confrontés à l’éternelle opposition entre les fins et les moyens, entre éthique et politique, entre morale et efficacité. Opposition que les jésuitismes de l’Ordre établi « résolvent » classiquement par de magnifiques énoncés paradoxaux : on a le droit de tuer au nom de la Vie - guerres, peine de mort - ; il faut parfois être injuste au nom de la Justice – machiavélismes - ; on doit risquer d’être inhumain au nom de l’Humanité - révolutions - ; il est permis d’opprimer au nom de la Liberté - pédagogies dogmatiques - ; il faut parfois recourir au mensonge pour servir la Vérité - recours aux mythes pour enseigner la Sagesse -, et ainsi de suite. Ces conciliations de l’inconciliable -et notamment l’usage de procédés trompeurs pour faire croire des choses vraies- me paraissent dès le départ indéfendables. D’où la nécessité d’une conscience extrêmement attentive aux méthodes dont on use. Une action dont les moyens et les fins sont contradictoires se hasarde toujours à être non seulement immorale, mais inefficace. »
« François Brune, de l'idéologie aujourd'hui, édition Parangon, 2004. »
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