16 juillet 2007

CHAPITRE II
"Internet comme un espace de communication politique"



LES WEBDOCTORS EDITEURS


A. INFORMER et CONVAINCRE


1. Les pouvoirs mis en scène

Jean-Noël Jeanneney : "La différence principale [au regard de l’information], entre l'animal et l'homme, c'est que le premier réagit toujours à un événement extérieur de façon instinctive alors que le propre de l'homme est de prendre des décisions à l'élaboration desquelles la raison contribue, à côté de l'instinct. Donc, il s'appuie forcément sur la connaissance la plus précise possible du monde extérieur que ses sens ne peuvent pas percevoir directement, un monde où interviennent sans cesse des modifications nées soit des bouleversements inattendue de la nature, soit de l'agression de groupes extérieurs.»


Le premier objectif de la communication politique est de faire savoir, d’informer. Informer les citoyens qu’un candidat s’inscrit dans une « compétition » électorale, présenter son programme, sa personnalité dans une perspective de persuasion. Sur Internet, l’information est omniprésente et produite par une multiplicité d’acteurs : entreprise, citoyens, journalistes analystes, partis politique (…). Les WEBDOCTORS devront tout d’abord se charger de rendre disponible et visible l’information, dans un processus de marketing, de communication de persuasion.


Depuis toujours, monarques et représentants du peuple justifient de leur fonction par une mise en scène théâtrale du pouvoir. Cet affichage symbolique leur permet d’affirmer leur autorité et leur fonction. Le pouvoir s'assure ainsi dans un engagement dramatisé, conté aujourd’hui par des agences de communication en charge d’intégrer le candidat dans un cycle historique, tout en s’appliquant à générer une symbolique suffisamment forte pour impressionner, rassurer, se rapprocher du « peuple » (...).


L'apparition des nouvelles technologies offre aux prétendants de nouveaux moyens de se mettre en scène : à la fois par les nouveaux outils à leur disposition mais aussi par la symbolique que draine le Web. Cette théâtralisation dépend aujourd’hui des choix stratégiques des communicants, au regard de l’image de l’opinion public et des attentes des citoyens que renvoient les sondages. C’est ce que l’on appelle le « plan de communication ». Il dépend d’une part de ces retours citoyens mais aussi de l’image que souhaite investir le candidat.


Dans le cadre d’une élection, les prétendants ne sont pas encore au pouvoir. La dramatisation de leurs actes, de leurs programmes, de leur personnalité aura donc la vocation d’établir la légitimité du candidat à prétendre au « sacre » républicain. Ce dernier devra prouver sa compétence d’homme d’Etat, justifier de ses qualités politiques, de porte parole et de porte drapeau.

2- La légitimité politique

Pour convaincre, la candidature doit être perçue comme sérieuse. Il faut que les prétendants acquièrent graduellement durant le combat électoral la légitimité de représenter le peuple. La République française fonctionne autour du principe de « gouvernement représentatif ». La première fonction de l’élection est ainsi de permettre aux citoyens de choisir leurs gouvernants et leurs représentants, qui rédigeront et voteront les lois en leur nom au Parlement. L’élection est donc une « délégation de Souveraineté », une possibilité pour les citoyens d’exprimer leur mécontentement, ou au contraire de donner un nouveau mandat au pouvoir sortant. Le pouvoir trouve sa légitimité chez les électeurs pour celui qui saura rassembler, donner du sens aux projets collectifs, à l’identité collective par des symboles. La légitimité, que les analystes ont appelée lors des élections de 2007, la « stature présidentielle » est donc un cadre essentiel de toute stratégie de communication politique. Faire adhérer à une personnalité ou un programme consiste en premier lieu à faire reconnaître le bien fondé de la candidature suivant les trois typologies de la légitimité politique[1] :

La légitimité par impartialité
Elle est le résultat symbolique de la nouvelle « real politique », adaptée aux nouvelles sociologies de l’engagement. Cette forme de légitimité était auparavant associée à la justice et aux autorités indépendantes. Elle implique une distance égale entre toutes les parties. Elle évoque un Etat prioritairement défini par le droit. Un pragmatisme qui dépasse les idéologies. On reconnaît ici les méthodes des « catch-all parties », proche du centre politique. Cela rappelle également la phrase de François Mitterrand au cours de son mandat : « je suis le président de tous les français » ou de Nicolas Sarkozy le soir du 6 mai 2007 : « je serais le président de tous les français ». De même, lors de son intronisation comme candidat de l’UMP, le 14 janvier 2007, lorsqu’il recherche cette stature de présidentiable, cette légitimité impartiale: « aujourd’hui, j’ai cessé d’être le président d’un seul parti, fut-ce le premier parti de France ». Cela suppose donc d’exprimer une maîtrise suffisamment complète des dossiers pour réussir à en expliquer, sous une forme simplifiée, toute la complexité. Les discours ainsi proposés feront appel à la logique, à la capacité de réponse du candidat aux questions de l’opinion public, par la proposition de solutions techniques. Ce sont des rhétoriques faisant appel au logos. L’objectivité dans la propagande, voilà un exercice difficile de la mise en ligne de l’information et des échanges sur le Web.

La légitimité substantielle
Elle est la plus ancienne des formes de légitimité politique et s’attache à l’univers moral des hommes de pouvoir. Héritage du passé religieux des institutions françaises. « Elle se manifeste aujourd’hui sous de multiples espèces de références : aux droits de l’homme, à des philosophie de la justice ou à une morale [2]». Le vote est déterminé par des systèmes symboliques de présentation. Par exemple, une étude de MICHELAT et SIMONT[3], en 1977 montre combien l’appartenance religieuse était un facteur d’impulsion du vote : « la détermination religieuse l’emporte sur la détermination de classe sociale ». Cette légitimité, pour les communicants s’amorce par la personnalisation du candidat, et la présentation de son univers, au-delà de la sphère publique. Elle intègre les dimensions éthiques - ethos – et émotionnelles – pathos – du discours.

La légitimité sociale-procédurale
Notre système politique base la légitimité des représentants du peuple sur la notion de majorité. Nul ne peut légalement remettre en cause la légalité d’un vote organisé par le suffrage universel. Pour la communication électorale cette légitimité fait force d’appel lors des processus d’élection. Ainsi, du nombre de sympathisants ou de militants dépendra la capacité à mobiliser davantage, l’effet « bandwagen » évoqué plus avant. Les réponses des communicants à cette fonction sont notamment de mettre en scène la campagne, les sondages, les grandes réunions et meeting, les témoignages de militants…Sur Internet, elle sera également développée par la capacité à investir massivement les espaces du réseau. Cette activité sera essentiellement traitée dans la seconde partie du chapitre : les WEBDOCTORS animateurs.

3. La personnalisation

« Ce qu’on doit attendre d’un gouvernement, c’est de faire fonctionner l’Etat au mieux des intérêts des citoyens. En France, on lui demande le spectacle en plus. Quiconque refuse la partie spectacle se le voit reprocher (…) » Michel Rocard, les Inrockuptibles, 1995.

Ces formes de légitimité passent, sur le Web plus qu’ailleurs par la personnalisation du combat politique et de la relation candidats/électeurs. Sans porter de jugement sur le pipolisation de la politique, qui en est l’expression la plus critiquée, il semble que les citoyens ne votent pas seulement pour un parti ou une idéologie – cf. « un contexte d’affranchissement partisane » - mais ils choisissent aussi leurs représentants sur le terrain de l’intime et du personnel, les rassurant sur la légitimité substantielle du candidat puisqu’ils n’accordent plus de crédits aux discours politique. La volonté qu’expriment ainsi les électeurs en sollicitant cette reconnaissance, est de mieux connaître l’environnement des candidats, les coulisses, ses amitiés, sa famille – politique et personnelle -, afin d’être en mesure d’émettre un jugement sur ses valeurs et les compétences affectives, morales qu’il mettrait ensuite à l’oeuvre au pouvoir. D’autre part, la cyberculture s’est forgée autour de cette concurrence aux médias traditionnels. La désintermédiation est inscrite dans les gènes des usages du Web. La communication politique sur Internet intègre la cyberculture. En cela, les citoyens attendent la possibilité d’avoir un accès privilégié, direct, sans filtres aux candidats, influençant les applications des outils de communication officiels mais aussi la forme et le contenu des messages.

4. L’unique selling proposition (USP)

Fortement influencé par le Marketing commercial, les conseillers en communication des hommes politique intègrent dans leurs stratégies l’ « unique selling proposition ». Positionnement global de la campagne, cette « USP » sera le référent image du candidat, de ses discours et des supports de communication. Cette image ne doit pas entrer en collision avec les actes passés du candidat. Cette asymétrie pourrait coûter l’élection. L’USP est donc choisie en fonction du candidat, des attentes des citoyens et de l’actualité. Dans le cadre de cette thématisation, il faut donc, aux WEBDOCTORS, donner un sens à ce positionnement et l’adapter à la stratégie sur le Web, aux discours que tiendra le candidat quant à la démarche Internet.

5. La chronologie de la campagne

La chronologie est essentielle dans une stratégie électorale. Le moment du lancement officiel de la campagne, l’agenda thématique, le rythme (…), autant d’éléments qui donneront du sens à la candidature. Dans un premier temps, il s’agit pour les communicants d’avoir des retours fiables sur les propositions de communication qu’ils vont offrir aux citoyens. Utilisant les mêmes procédés que le Marketing commerciale, les équipes recourent aux méthodes de pré-tests, sur une circonscription. Sera ainsi testé le matériel de campagne : tracts, affiches, film, site Internet et jugée la réception.

Ensuite, lorsque cette pré-campagne est validée, les équipes définissent l’agenda, la chronologie temporelle et spatiale. L’interdiction depuis 1990 de faire de la publicité durant les trois mois précédent une élection oblige les candidats à se lancer suffisamment tôt pour pouvoir développer leurs argumentaires. Cela influencera la Netcampagne dans le temps du lancement. Cependant, cette loi ne s’applique à la communication sur Internet car il est possible d’émettre des messages jusqu’à la veille du scrutin. Ainsi, stratégiquement, le Web prend une importance capitale durant les trois derniers mois de campagne.

Concernant le rythme insufflé par la communication, il n’y pas vraiment de règles, mais des exemples issus des expériences passées. Voici donc les quatre rythmes envisageables d’une campagne, que le Web viendra soutenir :

Les campagnes à montée en puissance progressive
Elles sont la forme la plus courante. Elles ont pour but une occupation du terrain relativement régulière et de plus en plus importante au fur et à mesure que l’échéance électorale approche. Cette « montée en puissance » est calquée sur l’attrait des médias qui eux-mêmes augmentent peu à peu leur traitement temporelle à l’approche du scrutin. Cette stratégie permet de multiplier en toute logique les chances d’attirer l’intérêt des électeurs. Sur Internet, cela consiste à mettre bien en amont de la campagne les sites militants en place, une multiplicité de sources, du parti ou des représentants de ce parti. Au fur et à mesure que le vote approche, les sites devront être actualisés de plus en plus régulièrement et passer de l’information institutionnelle à l’information personnalisée autour du candidat.

Les campagnes-éclair ou flash campaign
Elles visent à obtenir une saturation des médias grâce à une concentration en un espace très court, où tous les types de supports et de médias sont sollicités simultanément. La « Campagne éclair » a été notamment utilisée par François Mitterrand en 1988 face à Jacques Chirac.

Les campagnes à étapes
Elles sont probablement les plus difficiles à mettre sur pied. Elles peuvent néanmoins se révéler efficaces. L’image de l’homme politique est construite au fur et à mesure que la campagne avance, à coup de « pseudo-évènements » soigneusement orchestrés pour focaliser l’attention.

Les campagnes stop and go
Elles sont souvent utilisées lorsque l’homme politique manque de moyens. Elles « repartent » à chaque fois qu’une échéance importante permettant de les favoriser et de démultiplier leur impact semble en vue (sondage proche, émission télévisée où figure l’homme politique...). Cette stratégie en est une par défaut. Elle est utilisée par les petits partis car elle coûte moins chers. Ce type de campagne n’est pas adapté aux rythmes d’Internet. De plus, les coûts réduits d’une stratégie Web offrent la possibilité d’une présence constante sur laToile.

Ces choix stratégiques, établis au sein des états-majors de campagne, permettront de définir une ligne de conduite précise, à la fois sur le fond, la forme et dans le temps. Il s’agit donc pour les WEBDOCTORS d’adapter ces tactiques à une Toile réceptrice.

Les Netcampagnes ont pour cible marketing les internautes, répartis selon les critères socio-démographiques classiques mais aussi au regard de leur comportements éditoriaux : passeurs, filtreurs et interprètes. La pertinence des messages sera ainsi jugée par le Web de part la capacité du candidat à intégrer les codes de la « cyberculture ». Les discours, les contenus, les outils utilisés, chaque détail de la campagne sera analysé, décortiqué comme autant de signes émis par le prétendant à la représentation de la génération Internet.


B. LES OUTILS DE L’INFORMATION

1. La maison mère ou vaisseau amiral

Toutes les Netcampagnes ont en commun un portail politique centré sur le candidat. Au regard du programme et des objectifs de communication fixé par les équipes, il est le lieu de rendez-vous des sympathisants, le lieu d’information des « bienveillants », un lieu de mobilisation ou de participation. Il est le cœur du dispositif. Il permet de fédérer toutes les autres énergies qui seront émises sur la Toile et de créer un point de repère pour les internautes.


Dans un système communicationnel structuré horizontalement, les politiques doivent posséder un lieu de l’expression officielle. Bien sûr, chaque prétendant accompagne les forces des blogueurs sympathisants en leur mettant à disposition des outils, leur offrant des temps et des lieux d’exposition. Cependant, même si le contrôle de l’image ne peut encore complètement s’opérer sur le Web, la « maison mère » a le rôle d’impulser les discours des cybercitoyens actifs, des internautes en quête d’information, d’apporter des argumentaires, de donner des outils de réponse aux journalistes et de construire l’image d’un candidat légitime. Actualisés plusieurs fois par jour, le vaisseau amiral s’attache à donner une information ou une réaction instantanée à l’actualité du jour. Les sites des trois principaux candidats, durant la campagne présidentielle ont eu entre 40 000 et 50 000 visiteurs par jour, un trafic relativement faible au regard de ce qu’ils avaient initialement prévus mais suffisamment conséquent pour mettre en ligne une stratégie électorale.

a. Les fonctions de la maison mère

La gestion de contenu d’un site web repose sur un cycle et une politique éditoriale. Plusieurs stratégies de communication au sein de ces maisons mères ont été observées lors des dernières échéances. La première consiste à mettre en place un outil dont l’objectif est de centrer tous les messages sur le candidat lui-même, ses propositions et sa personnalité. Stratégie de communication verticale, cette forme est la plus courante. Ce sont notamment les exemples des sites sarkozy.fr, bayrou.org, besancenot2007.org, unisavecbove.org …

Une seconde stratégie a été observée par le site desirdavenir.org. Plus ouverte et interactive, elle permettait d’intégrer cette plateforme comme le lieu de convergence des initiatives sympathisantes de la Toile, un espace qui plaçait l’internaute au centre de l’activité du site. Cette seconde stratégie, qui n’empêche pas la forme informative, sera traitée dans la deuxième partie de ce chapitre. Il est néanmoins possible d’observer certaines fonctions communes à l’ensemble de ces maisons mères :

La mise en avant de la personnalité du candidat

Les hommes de communication travaillent à établir ce lien entre politiques et citoyens par la construction symbolique d’une « légende personnelle ». On retrouve ainsi sur la plupart de ces maisons mères des rubriques « mes valeurs », « mes passions », « mes amitiés », « mes combats »...

L’expression des positions et des propositions

Les candidats mettent à disposition des internautes leurs propositions sur les principales thématiques du débat public : images des meeting, extraits de discours, revue de presse, documents de référence… Tous ces éléments peuvent prendre la forme de textes, de séquences audio, vidéo. Ils sont souvent classés par thèmes avec une possibilité de recherche par indexation.

Le témoignage des soutiens extérieurs

La notion de réseau et d’influence est présente à tous les étages de la société. En temps électoral, les associations et les personnalités sont, comme tous les citoyens dans un temps de re-politisation. Leaders d’opinion ou people médiatiques, chacun draine autour de sa personnalité une image, des valeurs que les candidats souhaitent, ou non, adosser à la leur. Une notion que le marketing appelle le cobranding. Pipolisation ou véritables soutiens intellectuels, ces personnalités sont fortement affichées sur le site. Une façon d’intégrer la notion de légitimité socio procédurale. D’autres soutiens sont représentés sur le réseau. C’est pourquoi une place importante est accordée aux liens hypertextes qui renvoient vers les principaux leaders d’opinions de la toile, les blogs influents et les analystes sensibilisés. Enfin, la tendance du Web 2.0 amène les WEBDOCTORS à intégrer des témoignages personnels de citoyens, prescripteurs sympathisants, fonction d’identification et arguments d’autorité sur la Toile.

Le témoignage du passé

A propos de chaque sujet de débat et du programme, les candidats ont eu dans leur carrière à argumenter de leurs positions. Sur ce site, ils mettent ainsi en avant leurs discours référents, les moments clés de leurs parcours politiques, les événements médiatiques passés avec l’objectif de participer à la construction du schéma narratif d’une « légende personnelle », d’un homme ou d’une femme aux combats constants, d’un homme ou d’une femme en action. Par exemple, l’expérience de la claque de François Bayrou à un jeune qui fouillait dans ses poches au cours d’un débat improvisé dans la rue en 2002 est mise très en avant dès la vidéo d’accueil de son site.

La réfutation des positions adverses

L’interactivité du Web permet aux équipes de campagnes d’avoir un espace de réponse immédiate aux discours des adversaires. Cette volonté d’offrir aux sympathisants et aux journalistes de la matière argumentée est aujourd’hui essentielle dans une stratégie de communication politique. D’une part, les journalistes pourront écrire dans un article dédié à un meeting ou une opération d’un adversaire les réactions du candidat, d’autre part, les blogueurs sympathisants trouveront les mots clés à développer lors de leurs « excursions » sur la blogosphère.

La possibilité de débattre et de poser des questions

Cette fonction intercréative est désormais une rubrique, issue de la cyberculture, développée par l’ensemble des candidats sur leur maison mère. E-Mail, Forums, ou volonté programmatique participative, elle offre aux équipes de campagne un feed back immédiat des sympathisants aux propositions et aux actions menées. Cette fonction sera développé dans la prochaine partie : le WEBDOCTOR animateur.

Mis à disposition des outils du cybermilitantisme

Les Netcampagnes utilisent comme dans un cadre « réel », des outils de promotion à destination de militants. On trouve ainsi sur les sites les Tracts, les affiches, des bannières animées à intégrer sur les blogs, les logos …

L’appel aux dons

Les campagne coûtent chers. L’exercice du marketing politique, qui possède des relais de plus en plus en plus différenciés, oblige les candidats à émettre leurs messages par de nombreux canaux, à faire intervenir de nombreux spécialistes de la communication. Les appels à contribution, aux dons, par le bais de plateformes de paiements sécurisés fonctionnent très bien et permettent de consolider largement les budgets de campagne des prétendants.

b. La forme de la maison mère

Les formes discursives

Internet a été l’occasion d’un retour à la forme écrite en communication. Trois formes de l’expression textuelle du format Web apparaissent aujourd’hui importantes pour les WEBDCTORS : le choix du nom de domaine, les titres de rubriques et le formats des textes longs.

Le nom de domaine
Le nom de domaine est la marque officielle de la Netcampagne. Il s’affiche sur tous les supports de communication des candidats et sur les panneaux en arrière plan durant les allocutions télévisées. Quatre éléments sont à prendre en compte lors du choix du nom de domaine : la capacité de mémorisation, la notoriété du candidat, le référencement du site dans les moteurs de recherche, le respect du mythe Internet et la guerre que se livrent les différentes équipes pour l’achat de ces noms.

Identité et notoriété
Le point d’entrée sur le réseau doit être facilement identifiable et lié à l’identité du candidat. C’est pourquoi, la plupart du temps, les WEBDOCTORS intègrent le nom de ce dernier dans le nom de domaine. Les internautes à la recherche d’information dans un moteur écriront la plupart du temps le patronyme de famille du candidat. Il faut donc que le site apparaisse en premier dans les listes proposées lors de cette requête. Dans le cadre d’une élection présidentielle, fortement impliquante pour les citoyens, il est vrai que les sites n’ont pas de mal à susciter le flux nécessaire à leur inscription à cette place. Cependant, dans le cadre d’échéances électorales territoriales, la notoriété du candidat et le trafic sur le site ne mèneront pas toujours à cet état de fait. Dans ce cas, il est fortement conseillé d’inscrire le nom de famille dans le nom de domaine. D’autres choisissent d’imprimer dès cette étape l’esprit de la campagne ou le projet politique du candidat : c’est notamment l’exemple de Désirs d’avenir ou de la Netcampagne de Fred Thompson, candidat aux primaires républicaines américaines et de son site imwithfred.com. Cette formulation est intéressante l’équipe est sûr que la notoriété du prétendant et la publicité seront suffisantes pour permettre aux citoyens de trouver facilement le site sur les moteurs de recherche.

Le nom de domaine comme élément du référencement
Certaines déclinaisons sont très courantes dont celle d’intégrer la date de l’échéance dans la terminologie du nom de domaine. D’un côté, ceci confère au site un véritable statut d’objet marketing, de communication électorale daté. Mais cette inscription dans le nom de domaine permet d’attirer un partie du trafic qui écrira cette date dans les moteurs de recherche : besancenot2007, dsk2007, voynet2007… Tous les vocables peuvent être ainsi utilisés à des fins de référencements. Cependant, le nom de domaine doit rester court et mémorisable.

Le respect du mythe Internet
Il a été évoqué au cours du chapitre précédent la bataille entre les entrepreneurs et les hackers. Elle se retrouve pour les communicants politique dans le choix du suffixe du nom de domaine. De nombreux suffixes existent. Cependant, quatre émergent du lot : les « .com », les « .fr », les « .net » et les « .org ». Les « .com » sont très utilisés dans un cadre commercial. Marque International, il développe l’image d’un candidat ouvert, proche des milieux économiques mais finalement assez loin des réalités du réseau. Les « .org » répondent aux « .com ». Moins chers, ils ont été très vite adoptés par les « hackers » et projettent l’image du combat pour les logiciels libres, de l’Internet participatif. Enfin, les « .net » et les « .fr » sont plutôt neutre. Le .fr semble l’élément qui intègre une identité de territoire et qui se trouve être le plus facilement mémorisable.

Cybersquatting
Petite subtilité du combat électoral sur Internet, les WEBDOCTORS, leurs adversaires politiques et les citoyens se livrent une bataille à distance, au préalable à chaque élection, pour l’achat des noms de domaines qui symboliseront le mieux l’échéance électorale. Aujourd’hui, au sortir des élections présidentielles de 2007, les noms segolene2012.fr, sarkozy2012.fr ou Bayrou2012.fr sont par exemple déjà réservés. Il en est de même pour toutes les échéances. Il faut donc aujourd’hui prévoir très en amont le choix des domaines potentiellement utilisables par les candidats.

La forme des titres
Les formes rhétoriques usent de leur pouvoir pour tenter d’inclure les visiteurs dans une expérience commune. Les titres de rubriques sont les moteurs de la curiosité des internautes et donc de la navigabilité du site. Quelques exemples cependant permettent de mieux percevoir les déclinaisons possibles. Sur le site sarkozy.fr, le « nous » répond aux verbes à l’impératif, à la première personne du singulier. Il incite ainsi l’internaute à se joindre aux activités du parti. Le citoyen devient d’office membre de la communauté politique UMP. La méthode d’interpellation est dans ce cas relativement douce et subtile. François Bayrou, sur son site, a quant à lui choisit d’utiliser la fonction conative, l’impératif à la deuxième personne du pluriel. L'utilisation du "vous", même absent permet de concerner l'apprenant, de l'impliquer dans la tâche. Plus dynamique ou plus agressive, l’incitation à agir est ici beaucoup plus claire et explicite, agir en militant ou comme simple internaute en balade. Enfin, Ségolène Royale a été plus distanciée dans le choix du verbe : l'utilisation de l'infinitif à la place de formes personnelles du verbe confère à ces éléments du récit une valeur généralisante. Ce n'est pas seulement l'aventure d'un individu qui est décrite, mais « une aventure telle qu'elle pourrait être vécue en un autre temps, en un autre lieu, par d'autres sujets
[4] », et donc aussi par le lecteur. Voici quelques exemples rhétoriques de titres. Chacun souhaitant impliquer et donner une place privilégiée à l’internaute, trois fonctions cependant différentes.

La forme des textes longs
La lecture sur un écran n’est sensiblement pas la même que sur un support papier. L’attention des internautes est plus difficile à retenir. Plusieurs raison à cela : la luminosité et la fatigue oculaire qu’elle engendre, mais aussi les nombreuses sollicitations produite par la concurrence informationnelle d’Internet. Un internaute reste en moyenne 36 secondes sur une page
[5] ! Dans le cadre d’une navigation qui n’a d’autre but que la curiosité, les textes longs ne sont ainsi pas lus intégralement. En général, un texte de plus de 20 lignes commence à être long. Si le texte est jugé très important, il faudra donc le scinder en différents blocs plus courts, sur différentes pages. De plus, la personnalisation, maître mot du réseau implique une forme particulière. Sur un site de campagne, les textes sont souvent écrits à la première personne. Enfin, il est conseiller de n’utiliser que des mots sans ambiguïté. Les écrits doivent pouvoir être lus par tout le monde. Ainsi, l’argumentation se limite au français vernaculaire[6], soit 1200 à 1500 mots.

Le Design
Si l'on en croie une étude de l'université de Carleton
[7], les internautes jugent de l'intérêt d'une page en 50 millisecondes. Ce ne sont donc pas les messages textuels mais bien le graphisme général de la page d’accueil qui donnera ou non la première impulsion de lecture. La tendance des sites politiques est de se défaire de l’image d’un lieu de propagande pour adopter un design qui se rapproche des sites d’information. Si ce n’est la présence désormais obligatoire de la vidéo sur la page d’accueil, et de nombreux visuels afin d’aérer les supports de texte, là encore, peu de règles s’imposent. D’un graphisme aéré laissant beaucoup de place à la Web TV pour Nicolas Sarkozy, à la forme très chargée du site désirs d’avenirs, en passant par la simplicité du format de François Bayrou ou le design très tendance de la maison mère de Dominique Voynet, tous reflètent une stratégie de communication particulière et une envie de représenter la personnalité du candidat.

2. Le deuxième cercle

La maison mère ou vaisseau amiral est le centre névralgique de la communication électorale sur le Web. Elle s’adresse à une cible élargie, à tous les internautes –cf. chapitre I, la fracture numérique -. Néanmoins, deux limites s’imposent à cette forme. La première s’entend comme la difficulté à émettre un message spécifique en direction d’un public particulier. La seconde, s’attache au statut d’objet électoral de ce vaisseau amiral. Dans ce deuxième cas, son inscription dans le paysage du Web est datée. Le lancement se fait souvent à la désignation du candidat comme prétendant à l’élection et le site arrête toute activité à la suite du scrutin. Une démarche Web s’étend pourtant dans le temps. Cela commence bien avant les élections. Ainsi, les politiques doivent pouvoir s’appuyer durant la montée en puissance de la candidature sur des sites références sur le Web qui lui permettront de modeler son image, d’émettre ses messages, un deuxième cercle. Souvent, ce seront des espaces d’activité du parti, mais aussi des sites plus stratégiques, prévus pour atteindre des cibles particulières. Ce deuxième cercle est un trait d’organisation des très grandes échéances électorales, car alimenter chaque jour une dizaine de réseaux en informations et messages ciblés coûte cher, en temps, en financement, en employés. Cette méthode a été très bien gérée par le candidat de l’UMP dont l’analyse des moyens permettra l‘appréhension d’une telle structure :

1. A l’attention des bienveillants : le site de l’UMP, www.u-m-p.org, a été durant quelques moins le site presque officiel de campagne de Nicolas Sarkozy, avant son investiture au mois de janvier.

2. A destination des jeunes militants : au cours du mois de février, il semble que le site sarkozy.fr n’ait pas suffisamment permis la rencontre et la mobilisation des militants. Un lieu de mobilisation des internautes et des sympathisants, sous forme d’un site de supporters sportif, a donc vu le jour, animé par Yves Jego. Ce site avait la vocation d’organiser les équipes de jeunes militants sur le « terrain » et sur Internet. Adapté à la territorialité de l’engagement, ce site avait aussi pour vocation de mobiliser les « passeurs » au sein de leurs régions respectives, par l’inscription d’argumentaires quotidiens, d’actions à mener et d’objectifs quantifiés de sympathisants à convaincre.

3. A l’attention des femmes : Agora elles était un site spécifiquement conçu pour un public féminin, qui traitait des sujets de la femme dans la société. Aux vues du contexte et de l’opposition du candidat à une personnalité féminine, qui utilisait cet argument comme territoire de communication, il est possible que cela ait été conçu comme une réponse à ce déséquilibre représentatif.

4. A l’attention de des communautés gay et lesbiennes : Créé par des militants de l’UMP, Gaylib.org existe depuis 5 ans. Il est un mouvement associé à l'UMP qui évoque les problématiques sociales et politiques liées à l'homosexualité. Durant la campagne, il a été un support de la communication politique à destination des communautés homosexuelles.

5. A l’attention des jeunes cadres : ump.jeunesactifs.org n’est pas seulement une initiative Internet. Le site est le résultat d’une organisation du parti. Cependant, leur présence sur le Net s’inscrit comme un élément important du dispositif de Netcampagne.

6. A l’attention des jeunes : jeunes populaires.com est sur le terrain l’équivalent des jeunes UDF ou du MJS. Leur site, tout comme celui des jeunes actifs existe depuis quelques temps mais s’est intégré dans le processus de Netcampagne.

7. A l’attention des sympathisants : l’équipe de campagne de Nicolas Sarokozy avait mis en place un système interactif de débat et d’échanges. Sur le site debat-sakozy.fr, il était possible de poser une question argumentée. Les sympathisants votaient pour la meilleure question à laquelle le candidat – ou ses équipes - répondait chaque jour.

8. A l’attention des militants : un parti politique a des activités de travail qui consiste, au-delà de la communication à échanger et débattre sur des thèmes précis dans les différente fédérations locales. Les informations intéressantes remontent ensuite au bureau national qui fait une synthèse et édite les résultats de la réflexion du parti, un pré-programme. Ainsi, toutes ces activités sont aujourd’hui disponibles en ligne sur le site conventions-ump.org qui devient lui aussi un site de communication du programme présidentiel.

9. A l’attention des militants locaux : un site référence pour toutes les initiatives prises dans les différentes fédération, qu’il faut alimenter au jour le jour par les nouvelles actualités de campagne. De même, chaque fédération régionale et chaque section locale possède son site et devient est un relais permanent de la campagne.

10. A l’attention des expatriés : français-etranger.u-m-p.org est la plateforme de la fédération UMP des expatriés, relais de communication électorale.

Cette stratégie répond à deux règles essentielles en communication : la redondance et la personnalisation du message. Sur le Net, la légitimité socio-procédurale s’organise par la multiplicité des sources car, une navigation sur Internet, même lors de recherches précises est ordonnée par le principe de sérendipité. La sérendipité est la caractéristique d'une démarche qui consiste à trouver quelque chose d'intéressant, de façon imprévue, en cherchant autre chose, voire rien de particulier. Elle est une découverte, provoquée par une attitude d'esprit, qui consiste à rebondir sur les conséquences d'une aventure, d'une rencontre, d'une recherche ou d'une expérience. Les WEBDOCTORS doivent ainsi alimenter et fédérer au quotidien l’ensemble de ce deuxième cercle par des contenus appropriés : argumentaires, réactions, vidéos, graphismes (…). Cet exemple particulier de l’UMP s’applique différemment aux autres partis qui ont parfois d’autres cibles privilégiées et d’autres objectifs, mais qui, dans le cadre d’élections nationales, utilisent cette stratégie du deuxième cercle.

3. Les blogs officiels

Les blogs sont devenus des médias à part entière. Journaux personnels, plateformes thématiques, ils ont connu depuis deux ans un essor et une diversification remarquée. Pourtant, en décembre 2006, une enquête de l’institut de sondage IPSOS
[8] faisait un constat sans appel : 90% des internautes ne visitent jamais de blogs politiques et le « score » monte à 93% pour les internautes sans préférence partisane. Reste alors 10 % des internautes, soit 2 à 3 millions de lecteurs réguliers ou occasionnels des blogs politiques. Le lectorat, proactif, est plus polarisé que la moyenne nationale, plus investit dans la cyberculture et souvent plus impliqué dans la vie de la Cité. « Pourtant, il est indispensable pour un homme politique de faire du Web, pour l’image. Il faut néanmoins être en mesure de doser l’énergie que l’on y affecte, au regard des retours effectifs[9]». Il est vrai qu’une démarche de blogueurs est relativement lourde en implication, car la réussite d’un projet n’est pas automatique. Quelques éléments sont essentiels à l’appréhension de cet outil, des facteurs clefs de succès :

Notoriété
les personnalités à l’aura nationale auront bien sûr un trafic plus important sur leur blog. Au-delà, il semble que les billets qui traitent des grands sujets nationaux déclenchent plus de réactions dans les commentaires de la part des lecteurs.

Régularité
L’internaute a une démarche proactive pour lire les billets d’un blog. Il ne subit en rien la communication, il choisit ses lieux d’information. Ainsi, tout comme les lecteurs des grands quotidiens sont fidélisés par la régularité des parutions, le blogueur devra créer une règle de régularité, un contrat tacite entre les deux intervenants. De plus, il faut que ces espaces de discussions puissent vivre. Ce contrat devra se faire sur une base de plusieurs billets par semaines.

Personnalisation
Cette personnalisation est la condition d’un échange d’égal à égal. Les internautes recherchent une nouvelle relation avec le politique. Le blog est donc l’occasion pour ce dernier d’affirmer sa proximité avec les électeurs. Comme il est indiqué dans son titre, le blog est un journal personnel. Il doit donc être écrit à la première personne du singulier, sous une forme non protocolaire et intégrer certaines prises de risque dans l’expression des idées. Le blog n’est pas un outil en concurrence avec les journaux institutionnels. L’internaute vient chercher une information qu’il ne trouvera pas ailleurs. Souvent, les blogs ne sont pas écrits par les politiques eux-mêmes. Mais, cela se ressent vite et ceux-ci ne trouvent pas dans la durée la légitimité nécessaire à leur inscription dans la blogosphère. Enfin, Le blog est très contraignant pour les hommes aux agendas chargés. Faire vivre un blog, écrire, répondre aux sollicitations émises dans les commentaires, répondre aux mails envoyés par les internautes, tout cela prend en moyenne une à deux heures par jour.

Hébergement
La dynamique d’échange en réseau dépend de l’exposition du blog. A la création de l’outil, il existe deux stratégies : l’inscription à une communauté de blogueurs ou l’installation de l’outil sur un hébergement propre. La première consiste à se servir des potentialités d’exposition de l’actualisation sur les pages d’accueils des communautés de blogs : blogspirit, pointblog, overblog, wordpress, blogger… Cette méthode est très efficace notamment au sein des plateformes mises en place par les médias traditionnels. Cependant, pour l’image, il peut parfois être négatif d’afficher ainsi une affiliation directe entre le politique et les médias choisis. La seconde accorde une certaine image d’indépendance et d’autres méthodes de référencement existent pour créer un flux de lectorat sur un blog.

Référencement
Outre le trafic, une méthode pour faire grimper le site dans les classements de Google est la création de liens hypertexte entrant et sortant. Soit, l’intégration du blog dans la blogosphère. Il s’agit donc, pour créer cette visibilité de demander à des blogueurs bienveillants d’inscrire sur leurs propres blogs, dans la rubrique « liens », l’adresse de son journal. Il existe ainsi de nombreux annuaires qui permettent de créer à la fois de la visibilité et de nouveaux liens. Cette méthode, relativement efficace demande du temps mais permet rapidement au site de s’inscrire dans les pages des moteurs de recherche.

Décentralisation
Aujourd’hui, des outils permettent d’afficher instantanément les actualisations d’un blog sur d’autres espaces. Les flux RSS offrent la possibilité de transférer les billets instantanément vers d’autres blogs mais aussi vers des sites spécialisés qui intègrent les contenus de nombreux blogueurs : technorati ou wikio, par exemple, deviennent peu à peu les espaces d’accueil du journalisme citoyen et apporte de la visibilité aux sources qui ainsi profitent d’un complément de trafic.

La durée
Un blog s’inscrit peu à peu dans la blogosphère et acquiert sa légitimité auprès d’un lectorat, dans le temps et par la capacité du rédacteur à tenir sur la longueur une certaine régularité éditoriale.

Le format des textes
comme pour tout site Internet, les billets doivent être courts et ne pas excéder une vingtaine de lignes, si l’on veut conserver l’attention du lecteur.

Aujourd’hui, il n‘est pas exceptionnel pour un homme politique d’avoir son blog. Effet de mode ou véritable innovation, cet outil requiert beaucoup d’énergie. Les échanges sont très longs et difficiles à mettre en place. Rares sont les politiques qui ont réussi à générer un lectorat suffisant. Cependant, certains projets ont contribué à la mise en avant de nouvelles personnalités politiques - cf. chapitre I, de nouvelles formes de discours politique -. Ces outils peuvent devenir des instruments de notoriété, à condition d’un investissement lourd et quotidien. Dans le cadre d’élections locales, les médias se font plus rares. Le blog devient donc un espace privilégié de relations avec le « microcosme » acteurs de la cité et un lieu d’information maîtrisé en direction des citoyens.

4. La Web TV

« Pas de candidat sans WebTV[10]», écrit Alexis Danjon dans libération en mars 2007. Telle semble être la tendance de cette dernière élection. Tous les candidats s’en sont dotés. Même dans le cadre d’échéances locales, on a vu apparaître ces services. La vidéo a été le phénomène majeur de cette Netcampagne. Les succès retentissants des sites de partage vidéo : Youtube et Dailymotion n’ont pas seulement affectés les télévisions traditionnelles.

Longtemps interdits en France, les « spots publicitaires » font désormais parti du Marketing politique français sur le Net. Les vidéos sont admises comme la forme la plus impactante de la communication politique sur le Web. Sous forme de vidéos à la demande, ces WebTV permettent de construire un espace identitaire que les internautes pourront explorer selon leurs aspirations. Les vidéos les plus visionnées ont été celles de meeting ou de discours. Mais ces formats courts se développent sur tous champs, toutes les rubriques et fonctionnalités de la maison mère. Trois constantes émergent de ces programmes : un caractère informationnel, l’image de proximité et la volonté de produire des images contrôlées par l’équipe de campagne à destination des journalistes.

Nicolas Sarkozy en a fait le cœur de son « vaisseau amiral » et a développé le projet le plus aboutie : NSTV. Lancée au lendemain de son investiture, le 14 janvier 207, ce sont dix personnes à temps plein, dirigés par le communicant François de la Brosse, qui ont fabriqué des programmes divisés en onze chaînes. Il est ainsi possible de visionner les propositions, les discours, les soutiens, les coulisses, une rubrique au jour le jour qui souhaite « montrer le candidat tel qu’il est », des espaces de réponses instantanées aux discours et actions des adversaires, une rubrique « jeune », une autre internationale, des témoignages, des réponses aux testimoniaux citoyens, des lieux thématiques tels que le sport ou la recherche…

NSTV a eu un retentissement important. Au point de voir les candidats à l’élection américaine reprendre la trame du site du candidat de l’UMP. Cependant, l’accueil qui a été réservé à cette chaîne dans la blogosphère n’a pas été seulement positif. Cette stratégie tout en contrôle va à l’encontre d’un Web citoyen qui souhaite l’échange et l’interactivité. Les fonctionnalités et les rubriques « interactives » de la télévision ont été utilisées à des fins de communication, loin de l’attente de la plupart des inscrits dans la démarche Internet. Est-ce le candidat ou la forme de la communication qui a déplu ? Il est avéré que le Web penchait plutôt à gauche et au centre durant cette dernière échéance.

Des déclarations exclusives ont été proposées sur le site, des images reprises par les chaînes traditionnelles, permettant une interactivité entre le portail du candidat et ceux des médias traditionnels. Cette forme est d’autant novatrice qu’elle crée pour les communicants un nouvel outil de la relation aux journalistes. Maîtrise et contrôle de l’image, « spinning », permettent aux candidats de fournir des éléments clés en main pour les journaux télévisés du soir. Filmés par des « communicants embedded », les contenus offre une mise en scène d’événements auxquels les journalistes n’ont pas accès. Cette forme suscite ainsi la curiosité des médias, qui pourraient voir s’accentuer peu à peu le phénomène de désintermédisation.

NSTV n’est pas la première expérience de WebTV politique. Depuis l’été 2005, Jean-Marie Le Pen a utilisé quotidiennement ce média avec une audience de 16 000 « webtéléspectateurs » par jour ! Pour l’extrême, rompu aux thématiques du complot médiatique, cet espace offre une vitrine efficace des programmes du Front National, même si cela n’a visiblement pas influé sur le vote.

L’ensemble de ces vidéos produites est ensuite envoyé sur les plateformes de partage. Ainsi se créé une nouvelle bataille frontale pour inscrire les vidéos du candidat en tête des recherches sur des mots clés spécifiques. Un système de « tag » accompagne la mise en ligne, une série de mots permettant d’identifier la thématique et de classer le support dans des rubriques que le moteur de recherche du site de partage ira sonder lors d’une requête d’un internaute. Ainsi, lorsque l’on tape « politique» dans le moteur de recherche de Dailymotion, à la seconde place se positionne « les dix commandements » de Ségolène Royale. Aucune référence à Nicolas Sarkozy ou François Bayrou sur cette première page. Un long travaille de « rubriquage » pour les WEBDOCTORS.

5. L’e-mailing

Dans le cadre d’une élection, l’e-mailing a deux fonctions. Une première de mobilisation des militants par l’envoi régulier de messages, de rendez-vous ou d’argumentaires. La seconde s’apparente à de la prospection politique. Cette dernière se définie comme le fait d’adresser un message à caractère politique à un récepteur qui ne l’a pas demandé. Sur le Web, il a diverses finalités : représentation, invitation à une réunion, adhésion à un parti…

Comme il a été écrit dans le chapitre précédent, il existe trois typologies de comportement à la réception d’un e-mail : la non-lecture, la lecture partielle et la lecture en fonction de l’expéditeur. Dans un temps de campagne, il faut savoir qu’il y a donc un minimum de 70% des internautes qui ne seront pas concernés par la lecture du Mail. Ainsi, cela peut provoquer un sentiment d’intrusion sur un espace qui est considéré comme personnel.

En septembre 2005, l’UMP a mené une campagne à destination de 300 000 boîtes aux lettres électroniques. Les adresses avaient été louées à deux prestataires de service : Maximiles et impactnet. Le président du mouvement invitait les internautes à rejoindre ce parti avec la possibilité de cliquer sur un lien renvoyant sur une page d’inscription sur le site de l’UMP. L’objectif fixé par cette campagne était de recruter 10 000 nouveaux adhérents. Certains y voient un copier-coller de la stratégie chère à Jacques Chirac, version «poignée de main électronique[11]». Cependant, à la suite de cette opération, une centaine d’internautes ont porté plainte à la CNIL - Commission Nationale de l’Informatique et de Libertés -, pour avoir reçu un message à caractère politique sans l’avoir sollicité. Par conséquent, suite à des délibérations, la prospection politique par courrier électronique ne peut désormais concerner que des personnes qui y ont consenti. Cela contraint donc les prestataires techniques à appeler chaque personne de leur listing pour leur signaler qu’ils sont susceptibles de recevoir une information politique. Cet épisode a eu un fort retentissement sur la Toile. La blogosphère a violement réagit à cette activité de spamming officiel, désormais appelé « Sarkospam ». Malgré le résultat, elle aura marqué le décalage entre cette stratégie et la cyberculture, qui considère globalement le SPAM comme un élément perturbateur du réseau.

6. L’achat de mots clés

Il est possible d’acheter aux entreprises qui développent les moteurs de recherche des mots clefs qui permettront à un site d’être inscrit en tête des résultats des requêtes. Arnaud Dassier, WEBDOCTORS de l’UMP avait acheté un millier de mots clés sur Google lors de la présidentielles. Alors que l’internaute faisait une requête concernant «Chirac», «Villepin», «Hollande», «Royal», «Bayrou», «CPE», «émeutes» ou «banlieues», il se voyait proposer un lien promotionnel vers l'UMP. «En quatre jours, au plus fort des émeutes, 45 000 pétitions ont été signées, et le site UMP a reçu 200 000 visites en novembre 2005, contre 60 000 visites en moyenne les mois précédents
[12]», explique cet ancien collaborateur d'Alain Madelin. L'UMP aurait dépensé 40.000 euros pour cette opération. A noter que dans ce cadre, 60% des pétitionnaires étaient inconnus des bases de données de l'UMP. En e-marketing, on peut dire que le « coût d'acquisition » d'un nouveau sympathisant UMP identifié et par la suite « mobilisable » par e-mail a été de 1,48 euros.

Cette forme de publicité permet de cibler particulièrement les internautes en fonction de leur recherche sur Google. Ainsi, les candidats créent des messages spécifiques à chaque requête. Voici l’exemple des stratégies de « cliblage » qui ont accompagné l’achat de ces mots clés autour du site de l’UMP[13] :


Cet usage, malgré sa pertinence quantitative, est à prendre avec précaution. Les stratégies « agressives » sont mal interprétées par les internautes avertis, leaders d’opinion de la blogosphère. L’achat du mot clé banlieue, lors de la crise de 2005, pour faire de la publicité au site de l’UMP a fait grand bruit sur le Net. Les WEBDOCTORS devront faire le choix des mots clés qui offrent une réelle visibilité tout en prenant en compte les stratégies et plan de communication du candidat, mais aussi au regard la cyberculture,

Informer et convaincre à travers les outils du Web ont trait à un travail à la fois politique, créatif et technique, dont nous avons analysé les limites communicationnelles dans le premier chapitre. Néanmoins, malgré celles-ci, l’émergence d’un pôle citoyen au sein du Web2.0 crée aujourd’hui de nouvelles possibilités relationnelles du politique avec les médias, les électeurs, les sympathisants et les militants. Cette nouvelle vision stratégique des outils de communication, cette capacité du Web à participer du débat, la cyberculture, ont émergé subitement en politique durant la campagne pour le référendum européen en 2005. La communication électorale a dû s’adapter et mettre en place des outils d’échanges et de mobilisation. Les WEBDOCTORS ne sont plus seulement vecteurs d’information mais se font les intermédiaires d’une discussion ouverte entre les candidats et les internautes.



[1] in. La contre démocratie, Pierre Rosanvallon, Le Seuil, 2006
[2] ibid
[3] Classe, religion et comportement politique, Michelat et simont, 1977
[4] L’infinitif, le verbe et l’infinitif substantivé, Jacques Poitou, Université Lyon 2
[5] source : Nielsen//NetRatings, juillet 2005
[6] On appelle langue vernaculaire la langue locale communément parlée au sein d'une communauté. Ce terme s'emploie souvent en opposition avec le terme langue véhiculaire.
[7] cf. étude disponible sur le site : http://www.carleton.ca/hotlab/Abstracts/LindgaardG.FernandesG.Dud.html
[8]
[9] Interview de Jean-François Lanneluc, directeur de cabinet de Gérard Collomb et directeur de la communication de la Ville de Lyon.
[10] La webTV, le nouvel outil indispensable de la présidentielle », Alexis Danjon, Libération, 5 mars 2007
[11] in. Comment l'UMP tisse sa toile sur Internet, Sophie Huet, Le Figaro, 22 Avril 2006
[12] cf, 2005, lancement du marketing politique online ?, Netpolitique.com, 29 décembre 2005
[13] cf, blog de Sébastien Robert, http://confrerie.typepad.com/marketing_online/marketing_politique/index.html, 31 mai 2006

Aucun commentaire: