26 juillet 2007

CHAPITRE I
Internet, un objet politique


INTRODUCTION
" Enlevez-moi ça de là ! " Voilà comment Raymond Poincaré, chef du gouvernement français parlait d’un micro, à l’époque des débuts de la radiodiffusion, en 1927, au cours de l’inauguration d’un banquet. Cela fait sourire aujourd’hui, tant les relations aux médias sont au cœur même de l’action politique. En fait, depuis toujours, la communication politique est présente dans les usages des gouvernants. Des réveils et couchés protocolaires des monarques aux allocutions télévisées officielles des dirigeants de la cinquième république, le pouvoir se met en scène pour mieux asseoir sa légitimité. Pouvoir, domination, influence, pas seulement. Les hommes politiques, dans un espace public ouvert doivent surtout justifier quotidiennement de la confiance et de leurs privilèges, ponctuels, que leur ont accordés les citoyens. Le président Poincaré n’avait ce jour là tout simplement pas compris l’importance que prendrait ce nouveau « gadget » technologique, tout comme les hommes politiques des années 2000 ont longtemps hésité à prendre Internet au sérieux.

Faire, faire savoir et faire faire

Faire savoir, c’est d’abord rendre des comptes, justifier de sa position pour les élus dans un processus démocratique. La relation entre les citoyens et les acteurs politiques au pouvoir est une relation de représentation [1]. La communication politique a donc ce rôle essentiel de sociabilisation politique. « Nul n’est censé ignorer la loi ». L’obligation de publiciser les actes délibératifs des assemblées et des collectivités territoriales ainsi que les actions menées par l’institution, est inscrite dans la loi. La communication a donc cette fonction légitime de rendre disponible l’information aux citoyens et aux contre pouvoirs. Elle crée ainsi les conditions d’un échange, d’un dialogue dans l’espace public. Elle est un acte nécessaire à la vitalité démocratique, une communication politique de partage du savoir, une communication de conviction, de consultation et de débat public. « La communication politique reste le “ moteur ” de l'Espace Public [2]».

D’un autre côté, la communication électorale s’est professionnalisée et maîtrise d’autant mieux les processus du « faire faire » depuis la fin des années 50 aux Etats-Unis et le milieu des années soixante en France. Elle a intégré tous les outils issus de la culture économique. Le marketing politique s’immisce dans le combat politique et offre aux prétendants une batterie d’outils et de méthodes pour mieux faire connaître l’action et les idées d’un candidat, susciter le soutien des publics ou influencer le choix des électeurs. Depuis, chaque développement technologique dans le domaine des médias, a été pour le marketing politique l’occasion d’amplifier cette forme de communication persuasive. Cette recherche de l’adhésion des citoyens à un programme ou un candidat revient à essayer de représenter simplement des idées ou des processus sociaux complexes
[3]. Le marketing politique apporte des informations sur la vie institutionnelle aux citoyens les moins informés. Malgré son objectif de « propagande », il intègre donc lui aussi pour une part cette fonction cognitive de sociabilisation politique. Car, englobé dans des messages à but conatifs, des indications sur le gouvernement et les grandes questions d´actualité sont intégrées au sein de l´agenda médiatique.

Les campagnes sont des moments où les différents courants politiques s‘opposent. Mythes, symboles, représentations, le marketing politique use des allers-retours constants entre l’image de l’opinion publique que renvoient les sondages et les grands marqueurs idéologiques historiques. Jacques Gerstlé parle d’un temps de « surchauffe symbolique
[4]», où chaque candidat souhaite que sa propre conception de la société soit la plus partagée. Théoriquement, recourir à un objet symbolique, donne du sens à ce qu’on veut représenter. Cela condense une signification complexe en un quelque chose de plus simple, de plus immédiatement intelligible ou concret. Les symboles « signifient », c´est-à-dire qu´ils portent le sens qu´un individu ou un groupe leur prêtent. Un lieu peut être considéré comme « symbolique » dans la mesure où il signifie quelque chose pour un ensemble d´individus. Il contribue à donner son identité à ce groupe. Le Web, village global et nouveau temple de la démocratie athénienne, résultat empirique de la science et du progrès, intègre des valeurs profondément inscrites dans l’identité collective des sociétés occidentales. Un homme politique, prétendant à la représentation d’une communauté se doit de songer à son image de marque, assimiler les attentes des citoyens, les courants de valeurs. Le Web comme objet symbolique sollicite des imaginaires que le marketing commence aujourd’hui à exploiter de manière très professionnelle.


[1] in. Le miroir du politique, thèse de Bernard Lamizet, IEP Lyon.
[2] in. Communication politique, Dominique Wolton, http://www.wolton.cnrs.fr
[3] in. L’art de la communication symbolique, Thierry Vedel, Thierry Vedel’s Blog-note.
[4] in. La communication politique, Jacques Gerstlé, PUF, Paris, 1993

1 commentaire:

Anonyme a dit…

je rajouterais aujourd'hui la notion de faire. La communication politique a également le devoir de consulter le public pour agir ensemble à la construction démocratique.

Cédric morel